COMMISSION DIOCESAINE CATHOLIQUE POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES (CDCCS)

43ème Journée mondiale des communications sociales

 Thème :

«  Nouvelles technologies, nouvelles relations.

Promouvoir une culture de respect, de dialogue, d'amitié. »

 

 Sous-thème de conférence - débat

MEDIAS AU SERVICE DU DIALOGUE ET LA RECONCILIATION

Lomé, le 22 mai 2009

Présentation : Sylvestre Amévi DABLA

Consultant Médias/Communication

 

A l’occasion de  la célébration de la 43ème  Journée Mondiale des Communications Sociales ayant pour thème : «Nouvelles technologies, nouvelles relations. Promouvoir une culture de respect, de dialogue, d'amitié», nous avons choisi de porter notre analyse sur le rôle des médias au service du dialogue et la réconciliation dans le contexte togolais. Pourquoi un tel intérêt pour nous journalistes au Togo ? Comment pouvons-nous traduire la réalité du  dialogue interculturel dans nos écrits et comment œuvrer à l’avènement de la réconciliation à l’heure où le processus de réconciliation nationale et la  Commission Vérité, Justice et Réconciliation, lancés par le gouvernement  font de petits pas, et  que l’unité nationale  reste encore fragile. Il y a donc de quoi porter un regard sur la situation en tant que journaliste et surtout journaliste chrétien à la lumière du dernier message du Pape Benoit XVI qui nous convie à une culture de respect, de dialogue, d'amitié.

Le thème de ce 43ème message à l’occasion de la journée des communications sociales est un résumé des engagements et des responsabilités que les hommes de communication sont appelés à assumer dans un contexte caractérisé par l’accroissement des nouvelles technologies, lequel constitue un nouvel environnement, une nouvelle culture. Dans le message de cette année, le saint Père pense particulièrement à la  génération digitale, c’est-à-dire du numérique, celle de ce 21ème siècle. Avec elle, il voudrait partager quelques idées sur l’extraordinaire potentiel des nouvelles technologies, tant employées pour favoriser la compréhension et la solidarité humaine. Telles technologies sont un vrai don pour l'humanité, dit-il,  en précisant que « nous devons donc faire en sorte que les avantages qu'elles offrent soient mis au service de tous les êtres humains et de toutes les communautés, surtout des plus nécessiteux et des plus vulnérables…Beaucoup de bénéfices dérivent de cette nouvelle culture de la communication : les familles peuvent rester en contact même séparées par d'énormes distances, les étudiants et les chercheurs ont un accès plus facile et immédiat aux documents, aux sources et aux découvertes scientifiques et peuvent, par conséquent, travailler en équipe de divers lieux ; en outre la nature interactive des nouveaux media facilite des formes plus dynamiques d'apprentissage et de communication, qui contribuent au progrès social.»

Il faut relever la divulgation, la promotion et l’encouragement à l’usage des Technologies  de l’Information et de la Communication (TIC) par les personnes, les communautés et les institutions ecclésiales. Aujourd'hui, Internet contribue à apporter des changements révolutionnaires dans le commerce, l'éducation, la politique, le journalisme, les relations entre nations et entre cultures, des changements qui ne concernent pas seulement la façon dont les personnes communiquent, mais la façon dont elles conçoivent leur vie.  Venons-en à l’usage que l’Eglise fait des médias.

Eglise et médias

L’Eglise  a toujours accueilli avec prudence et sagesse les outils ou moyens de communications à travers les temps. Elle invite ainsi les médias à être au service de l’Evangile, c’est-à-dire au  service de la bonne nouvelle de la paix, de la solidarité, de la réconciliation et du dialogue entre les peuples et les cultures. Tous les moyens de communication sont utiles à cette mission que l’Eglise a en partage avec les médias : la radio et la télévision, le cinéma et l’audiovisuel, Internet, le téléphone, les maisons d’éditions, les bibliothèques, les centres audiovisuels, etc.

Jean-Paul II n’a-t-il pas été surnommé à juste titre, « Le pape des médias » en raison de son ouverture et de sa familiarisation d’avec les médias ? Pour la 36ème  Journée mondiale des Communications sociales en 2002 qui avait pour thème: " Internet, nouveau forum pour proclamer l'Evangile ", le pape Wojtyla y invitait l'Eglise à " avancer au large sur la toile ".

Son successeur le Pape Benoît XVI nous donne le même exemple. « Je désire encourager,  dit-il dans son message à l’occasion de la 43ème journée mondiale des communications sociales,  toutes les personnes de bonne volonté, actives dans le monde de la communication digitale, pour qu'elles s'engagent à promouvoir une culture de respect, de dialogue, d'amitié. »

Cette année, le pape prête une attention particulière aux jeunes  « pour les exhorter à porter au monde digital le témoignage de leur foi. Très chers, engagez-vous à introduire dans la culture de cette nouvelle ambiance communicative et informative les valeurs sur lesquelles repose votre vie! » 

S’agissant de l’Eglise et Internet précisément, le Conseil Pontifical pour les Communications Sociales  recommande  aux enfants et aux jeunes ceci: « Internet est une porte qui ouvre sur un monde séduisant et fascinant, exerçant une forte influence sur leur formation; mais, de l'autre côté de cette porte, tout n'est pas sain, sûr et vrai. « Les enfants et les jeunes devraient être acheminés vers la formation en ce qui concerne les médias, en évitant d'emprunter la voie facile de la passivité privée de critique, de la pression de leurs camarades et de l'exploitation commerciale ». (Cf. Ethique dans les communications sociales, n. 25)  Les jeunes se doivent — et ils le doivent également à leurs parents, leurs familles, leurs amis, leurs pasteurs et leurs enseignants, et enfin à Dieu — de faire un bon usage d'Internet.

Internet met à la portée des jeunes, à un âge inhabituellement bas, l'immense capacité à faire le bien et à faire le mal, à eux-mêmes et aux autres. Il peut enrichir leurs vies au-delà des rêves des générations précédentes et leur permettre d'enrichir à leur tour la vie des autres. Il peut également les plonger dans la consommation, l'imagination pornographique et violente, et l'isolement pathologique.

Les enfants, comme on l'a souvent dit, représentent l'avenir de la société et de l'Eglise. Une correcte utilisation d'Internet peut contribuer à les préparer à leurs responsabilités dans ces deux milieux. Mais ce ne sera pas automatiquement le cas. Internet n'est pas seulement un outil de divertissement, ni de gratification liée à la consommation. C'est un outil pour accomplir un travail utile, et les jeunes doivent apprendre à le considérer et à l'utiliser comme tel. Dans l'espace cybernétique, du moins autant qu'ailleurs, les jeunes peuvent être appelés à aller à contre-courant, à pratiquer la contre-culture, et même a subir une sorte de martyre au nom de ce qui est vrai et bon. »

Une invitation au discernement s’impose donc. Comme l’affirme Mgr John P. Foley,  président du Conseil pontifical pour les Communications sociales : " Cet instrument a la capacité de mettre en contact entre eux des millions de réseaux, de créer une immense banque de données, en montrant qu'il n'est pas seulement un moyen de divertissement, mais un véhicule de travail, d'approfondissement culturel et spirituel également. Internet est donc l'aréopage de notre temps, un instrument pour diffuser le message chrétien ; mais il faut éduquer à son utilisation parce que, comme dans toute réalité qui nous entoure, l'élément positif se heurte à l'élément négatif, en créant la confusion et de fausses valeurs ".

Médias au service du dialogue et la réconciliation

L’Eglise catholique joue un rôle, et non des moindres dans le dialogue des cultures. En 1980, le pape Jean Paul II lors de sa visite à l’UNESCO avait prononcé  un discours historique dans lequel il déclarait : « Utilisez tous les moyens à votre disposition pour sauvegarder la souveraineté fondamentale que possède chaque nation à travers et en faveur  de sa propre culture. Protégez-la et chérissez-la, pour le bien et l’avenir de la grande famille humaine. » En 1986, dans le même élan Jean Paul II avait convoqué les représentants de différentes spiritualités à Assise dans le but de travailler ensemble en faveur de la compréhension mutuelle et de la paix. Retenez pour la petite histoire qu’une délégation de deux prêtres de la forêt sacrée de Togoville y étaient. Les Togolais se souviennent encore de sa rencontre avec les musulmans à Lomé et de l’accueil que les prêtres de la forêt sacrée lui ont réservé à Togoville en août 1985. Benoit XVI en visite en terre sainte d’Israël du 11 au 14 mai 2009 lui a emboité le pas en visitant la mosquée de Jérusalem, un signe de dialogue interreligieux.

 « Les nouvelles technologies, proclame le saint Père, ont même ouvert la route du dialogue entre des personnes de différents pays, cultures et religions. La nouvelle arène digitale, le soi-disant cyberespace, permet de se rencontrer et de connaître les valeurs et les traditions des autres. Pareilles rencontres, toutefois, pour être fécondes, demandent des formes honnêtes et correctes d'expression alliées à l'écoute attentive et respectueuse. Le dialogue doit être enraciné dans une recherche sincère et réciproque de la vérité, pour réaliser la promotion du développement dans la compréhension et la tolérance. La vie n'est pas qu’une simple succession de faits et d'expériences : elle est bien plutôt recherche du vrai, du bien et du beau. »

Au Togo, l’enjeu de l’heure est le risque de voir s’effriter davantage le fondement  embryonnaire du dialogue pour la réconciliation en raison des soubresauts qui émaillent la vie politique. A cet effet, les Evêques du Togo ont rendu public le 21 avril 2009 un message à tous les fils et filles de la mère patrie, le Togo. « Dans le contexte politique que nous vivons, écrivent nos pères évêques, la paix ne peut résider que dans une sérénité à toute épreuve. Cette sérénité n’est pas synonyme d’insouciance ni  d’indifférence. Elle est plutôt le fruit d’une conscience apaisée et d’une confiance absolue en notre Dieu ainsi qu’en sa puissance de protection. Que les événements de ces derniers jours ne suscitent en nous ni découragement, ni révolte, ni esprit de vengeance. Gardons notre calme. Évitons tout empressement qui pourrait nous induire en erreur. Que notre cœur ne s’émeuve point outre mesure. Tenons fermes et restons dignes. 

« Le Togo, aujourd’hui  plus qu’hier, a besoin d’union, de réconciliation et de paix. Il a besoin de se parler et surtout de s’écouter, écrit le chercheur et politologue togolais Robert Dussey, dans Penser la réconciliation au Togo. C’est tout à la fois un impératif historique, une exigence démocratique et une nécessité morale.

C’est pour réussir cette œuvre collective de pacification des cœurs et des esprits, qui ne peut s’appuyer que sur notre engagement individuel, pour la vérité, l’humilité, la tolérance et le respect de l’autre, que nous insistons ici sur le pardon, indispensable entre Togolaises et Togolais.

La question du pardon n’a jamais cessé de se poser au Togo depuis l’avènement de la démocratie. Aujourd’hui, dans la situation particulière de ce pays, elle occupe un espace qu’on pourrait délimiter par deux courbes : pour les uns, prôner le pardon, c’est encourager l’impunité et pour les autres, c’est une solution pragmatique qui contribue à la Réconciliation. Pour s’en tenir au fait togolais, on a vu grandir en même temps, ces dernières années, l’insistance officielle sur le pardon et la froideur des citoyens à l’accepter. »

Le pardon ici signifie, nous rappelle Robert Dussey,  que chaque Togolais se dise : j’ai, à un moment donné de ma vie, bien servi mon pays et j’ai également, à un moment donné, mal  servi mon pays. Que l’on soit du pouvoir, de l’opposition ou de la société civile, nous avons tous péché. Alors demandons-nous pardon réciproquement. C’est le chemin de l’humilité, le chemin de la sagesse. Car pour réussir la réconciliation, il faut éviter de désigner l’autre comme seul responsable de nos problèmes. »

Si les Togolais refusent de se parler, donc de dialoguer, d’où viendrait alors le salut pour une réconciliation ? En tant que journalistes, nous devons apporter notre contribution afin que ce dialogue puisse avancer. L’article 66 du code de la presse et de la communication nous rappelle  que « Dans l’exercice  de sa profession, le journaliste doit respecter les opinions religieuses, politiques ou philosophiques des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs ainsi que la vie privée des individus. Il doit en outre respecter scrupuleusement le principe de la non-discrimination en raison de la race, de l’ethnie, du sexe, de la religion ou de l’origine sociale. Il doit se garder de toute atteinte à la moralité publique. »

 A l’heure où circule sur toutes les lèvres l’illusion rêvée de pardon, les journalistes, au nom du dialogue interculturel,  doivent avoir comme préoccupation première d’œuvrer à travers leurs plumes, micros et caméras à l’avènement d’un monde de dialogue et de réconciliation avec la bénédiction divine. Tout comme le conseille le pape dans son message : « Sachez prendre en charge avec enthousiasme l'annonce de l'Évangile à vos contemporains ! Vous connaissez leurs peurs et leurs espoirs, leurs enthousiasmes et leurs déceptions : le don le plus précieux que vous puissiez leur faire est de partager avec eux la « Bonne Nouvelle » d'un Dieu qui s’est fait homme, a souffert, est mort et est ressuscité pour sauver l'humanité. »

Comme conclusion, disons  en reprenant Mgr Foley, qu’on peut trouver Dieu aussi sur le réseau, pour sauver le dialogue interculturel et la réconciliation au Togo. Et parmi les millions de personnes qui naviguent chaque jour sur Internet, beaucoup peuvent tomber sur des paroles d'espérance en se confrontant avec d'autres expériences culturelles et spirituelles, en abattant les barrières idéologiques, jusqu'à découvrir des horizons nouveaux ".

Journalistes vous voilà face à vos responsabilités. Quel va être votre rôle dans le dialogue interculturel et interreligieux ? Nous ne  pourrons réussir qu’en prenant en compte nos différences et nos diversités culturelles, d’où l’acceptation des différences culturelles des uns et religieuses des autres. Le dialogue interculturel et interreligieux est possible et les médias peuvent y contribuer de manière significative au Togo si nous débarrassons de nos plumes l’encre partisane pour tels groupes ethniques au détriment de tels groupes religieux. Nous aurons gagné un pari si nous nous engageons dans la voie du dialogue à travers nos reportages écrits, nos magazines et autres productions audiovisuelles à diffuser sur nos médias et sur la toile afin de partager avec d’autres horizons des idées et des expériences. Les Evêques du Togo ont un mot de réconfort à nous tous : «  Dieu nous aime. Il ne nous abandonnera jamais: «Une mère peut-elle oublier son fils, ne pas chérir le fruit de ses entrailles? Même s’il s’en trouvait, moi, le Seigneur votre Dieu, je ne vous oublierai pas» (Is 49, 15). »

L’Eglise du Togo est-elle en phase avec la problématique du dialogue et de la réconciliation des fils et filles du pays ? Les journalistes sont-ils eux aussi intéressés par la question ?  Ce sont là des pistes possibles qui pourraient animer nos discussions et bien d’autres questions bien sûr.

Chers confrères, le monde entier vous en sera reconnaissant pour ce pas que vous aurez posé dans le jardin de la réconciliation et du dialogue interculturel. C’est une histoire de volonté et de détermination. Il suffit d’y croire et de mettre le pied à l’étrier. Vous en êtes capables.

Je vous remercie.

Lomé, le 22 mai 2009