L’évolution socio-culturelle de la ville de Lomé

AGBOBLI-ATAYI Bertin
(Département d’Histoire UB - Lomé)


In : Gayibor N., Marguerat Y. & Nyassogbo K. (ss. dir. de), 1998 : Le centenaire de Lomé, capitale du Togo (1897-1997), Actes du colloque de Lomé (3-6 mars 1997), Collection « Patrimoines » n°7, Lomé, Presses de l’UB, pp. 439-447.

Parmi les facteurs qui ont durablement marqué le paysage socio-culturel de la ville de Lomé depuis son choix comme capitale du Togo, on ne peut omettre de mentionner les Eglises chrétiennes. Elles ont en effet constitué un des paramètres importants de son développement et de sa croissance.

Les missions, puis les Eglises chrétiennes ont, par leur présence et leur action, contribué efficacement à l’évolution socio-culturelle de Lomé. Globalement, deux domaines d’activité peuvent être recensés. Des écoles missionnaires, est sortie une partie notable de ce groupe d’évolués, puis de cette élite, qui ont joué un rôle certain dans la vie culturelle, politique et économique de la ville de Lomé.

Les Eglises chrétiennes ont eu, par ailleurs, une part décisive dans le modelage du paysage urbain de Lomé. Des infrastructures leur étaient nécessaires pour déployer leurs activités : maisons d’habitation des missionnaires, lieux de culte pour les communautés, installations scolaires pour les élèves : d’où une vigoureuse politique immobilière, dont les résultats constituent une partie intégrante du patrimoine architectural de la ville.

La présence et l’action des missions chrétiennes seront examinées ici sur une période de 70 ans : de l’arrivée des premiers missionnaires catholiques allemands (août 1892) à la nomination du premier archevêque togolais de Lomé (mars 1962).

Nous verrons se dessiner une évolution en deux étapes : dans le domaine de l’éducation scolaire, les missions chrétiennes seront, dans un premier temps, pratiquement les seuls prestataires de service. Par la suite, une certaine uniformisation se vérifiera ; demeure cependant une spécificité à porter au crédit des institutions missionnaires pour ce qui est de l’oeuvre culturelle en langues locales, facteur certain d’ouverture et d’épanouissement intellectuel pour ceux qui en ont été les bénéficiaires.


I-LES MISSIONS CHRETIENNES DANS LA VILLE DE LOME CAPITALE DU SHUTZGEBIET TOGO (1892-1917)

A- La phase initiale (1884-1892)

Quand en juillet 1884, la présence coloniale allemande a commencé à s’affirmer sur l’espace géopolitique qui va progressivement devenir le Togo, d’autres ressortissants de nations européennes avaient, dans le voisinage immédiat, tant à l’est qu’à l’ouest, déjà entamé les premières étapes de leur installation et cherchaient à la consolider : ce sont les missionnaires chrétiens de trois pays différents : la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne. [1]

De la Grande-Bretagne étaient venus des missionnaires méthodistes (‘’wesleyens’’) qui, depuis plus de trois décennies, s’étaient implantés à l’est du territoire, à Aného, progressivement entre 1842 et 1850 (Debrunner 1965 : 63-64).

En 1863, les missionnaires catholiques avaient fait, à partir de Ouidah, un voyage d’exploration qui les fit visiter Grand-popo, Agoué, Aného, Agbodrafo (Borghero 1997). Des membres de la Société missionnaire de l’Allemagne du Nord étaient venus de Brême, créer des stations en divers endroits à l’ouest du futur Togo : à Peki en 1847, à Keta en 1857, puis autour de Ho (Debrunner 1965 :67).

Nous sommes, on se le rappelle, à la fin du XIXè siècle, période d’un vaste mouvement de redécouverte de l’Afrique par les Européens ; c’est aussi le moment où battent leur plein les rivalités coloniales, où les négociations s’intensifient entre les Européens à la veille de la conférence de Berlin (1884-85). La présence coloniale allemande au Togo ne va se structurer que progressivement, et par conséquent, ‘aura pas d’effet immédiat sur l’œuvre missionnaire, mais au fur et à mesure de la consolidation de l’armature administrativo-politique, l’influence des milieux coloniaux va se faire sentir.

L’administration allemande voudra, par exemple, éviter que les sociétés missionnaires ne se disputent les futurs chrétiens. C’est pourquoi le système de zones fut institué, dont une application fut l’interdiction faite en 1890 aux missionnaires catholiques de s’établir à Aného (alors capitale du territoire), pour la raison que les missionnaires wesleyens y étaient déjà.

D’autre part, le pouvoir colonial allemand va demander aux missionnaires brêmois présents dans la région partagée par la frontière ouest du Togo, face à la Gold Coast, de transférer l’essentiel de leur activité missionnaire en territoire allemand (Debrunner 1965 : 105).

A Aného, selon le vœu pressant du gouvernement colonial, le pasteur méthodiste anglais est remplacé en 1892 par un pasteur allemand, Johannes Mühleder.

Pour ce qui est des missions catholiques, de tractations se dérouleront au plus haut niveau pour que la société missionnaire appelée à s’installer dans le Schutzgebiet Togo soit allemande, ce qui fut fait en 1892, avec l’arrivée des cinq premiers missionnaires catholiques de la Société du Verbe divin. L’œuvre de l’évangélisation va être désormais conduite, toutes confessions réunies, exclusivement par des missionnaires allemands, catholiques, calvinistes ou méthodistes.

B- Installation des missions chrétiennes à Lomé (1892-1917)

Pendant le quart de siècle qui va s’écouler entre 1892 et 1917, durant lequel le pouvoir colonial allemand connaîtra une progressive montée en puissance, puis une fin subite, les missions chrétiennes vont peu à peu s’installer dans ce centre commercial déjà très actif qu’est Lomé et commencer à développer leurs activités.

Arrivés les premiers, en août 1892, les pères et frères catholiques vont d’abord chercher une habitation provisoire pour eux-mêmes. [2] Dans le voisinage immédiat de cette maison, va se situer un lieu de culte, puis peu après une école, lieu d’enseignement. En général, le provisoire cède, quelque temps après, la place à quelque chose de définitif. Si la construction de ces trois édifices est souvent menée de front, c’est le lieu du culte chapelle ou église, qui est l’objet des soins les plus attentifs.

C’est ainsi que démarrera en avril 1901, le chantier de la quatrième église catholique de Lomé, qui deviendra la cathédrale, siège du vicaire apostolique, puis de l’évêque. L’édifice sera inauguré le 21 septembre 1902 ; la construction avait été dirigée par le frère Johannes, un des missionnaires arrivés 10 ans plus tôt ; sur le chantier, ont travaillé des maçons et des charpentiers, formés sur le tas en attendant de recevoir une initiation plus circonstanciée dans le cadre de la nouvelle école professionnelle, dont la construction s’achèvera en 1912. Dirigée par six religieux allemands, elle comprendra au début neuf ateliers où se formeront un nombre appréciable de jeunes Togolais et d’où sortiront des menuisiers, des charpentiers, des maçons, des serruriers, des cordonniers, des tailleurs, des peintres, des sculpteurs sur bois, des couvreurs, des imprimeurs (Müller 1968 : 61, 78).

Le paysage urbain de Lomé est donc marqué en 1914 par deux grand édifices catholiques. Qu’en était-il des missions de Brême ? Présentes d’abord à Keta (1853), elles installeront leur première station sur l’actuel territoire togolais à Mission-Tové en 1893. A Lomé, un poste sera ouvert en 1895 par le catéchiste Andreas Aku ; les missionnaires viendront l’année suivante, en 1896. L’installation à Lomé s’accompagnera du séjour dans des résidences provisoires d’abord, ensuite un peu plus définitives [3]. Le grand souci pastoral a été, comme pour les catholiques, la construction du premier grand édifice destiné au culte : le chantier du temple protestant de Lomé dure de février 1906 à août 1907 ; l’inauguration se fait le 1er septembre 1907.

Après les résidences et les lieux de culte, c’est à travers la construction d’écoles que les missions chrétiennes ont contribué à modifier le paysage urbain de Lomé.

Une première école catholique, bâtie dès 1893 à l’emplacement de la première mission, fut transférée dès 1898 près de l’emplacement de la future cathédrale ; deuxième, dans le quartier de Kokétimé, commença d’abord comme garderie d’enfants. Une école pour filles fut ouverte en 1898 avec l’arrivée, en mars 1897, des premières religieuses missionnaires. Les écoles évangéliques eurent pratiquement la même localisation : rue Foch, près du temple, puis dans le quartier de Kokétimé [4].

Une quinzaine d’années après le choix de Lomé comme capitale et à la veille de la Première Guerre mondiale, les missions chrétiennes avaient réalisé une oeuvre culturelle digne d’intérêt. A Lomé, des milliers de Togolais avaient fait l’expérience stimulante d’avoir accès à l’écriture à partir de leur propre langue maternelle. Les missionnaires des deux confessions ont, en effet produit une littérature remarquable, compte tenu des moyens limités de l’époque, couvrant un large éventail : des grammaires aux opuscules pédagogiques en passant pas les manuels scolaires et les livres de prières.

Les Togolais vivant à Lomé ont aussi, pour la première fois, suivi une scolarité primaire, en anglais, puis à partir de 1906, en allemand. Ce bagage intellectuel sommaire leur permis de postuler aux emplois subalternes de l’administration à Lomé, dans les douanes, les postes, les chemins de fer ou de devenir des auxiliaires indigènes des firmes privées.

La présence et l’action des missions chrétiennes à Lomé vont être perturbées par la Première Guerre mondiale. Les occupants militaires britanniques tolèrent au début que les missionnaires restent sur place, puis entre le 11 octobre 1917 et 9 janvier 1918, tous les missionnaires sont déportés. Les archives de la Mission catholique ont conservé l’écho de l’émouvante procession de fidèles qui a accompagné les missionnaires de la cathédrale jusqu’au wharf, où ils embarquèrent pour l’Angleterre, avant de regagner l’Allemagne une année plus tard. Il a fallu donc organiser la relève.


II-CROISSANCE DE LOME ET CONSOLIDATION DES ASSISSES DES EGLISES CHRETIENNES (1917-1945)

L’emplacement des missionnaires allemands fut organisé aussi rapidement que possible. Les missions catholiques firent venir de la Gold Coast voisine deux pères parlant l’allemand (ce sont des Alsaciens) et trois religieuses.

Pour l’Eglise évangélique, la supervision du travail missionnaire fut confiée au pasteur Bürgi, suisse, donc d’un pays neutre, mais qui devra partir pour raison de santé en 1921. Après la décision de confier à la France le mandat sur le Togo, les deux confessions feront appel à des missionnaires français. Dès septembre 1921, est désigné comme responsable de la mission catholique du Togo le Père Jean-Marie Cessou, de la Société des Missions Africaines de Lyon. En août 1928, le pasteur Charles Maître, de la Société des Missions Evangéliques de Paris, viendra donner un coup de main à l’Eglise évangélique (Marguerat et Péleï, 1992 : 173).

A l’entrée en vigueur officielle, en juillet 1922, du mandat de la SDN, les deux confessions pouvaient recenser à Lomé plusieurs milliers de fidèles ; un certain nombre d’entre eux étaient sortis des écoles missionnaires et évoluaient dans les divers secteurs de la vie urbaine de Lomé. Des bâtiments et édifices matérialisaient l’action missionnaire. Enfin de nombreux futurs responsables togolais étudiaient dans les structures de formation des Eglises ou venaient d’achever leur formation.

Examinons d’abord le cas de l’institution scolaire missionnaire : c’est écoles vont connaître une situation critique liée au fait de l’institution de l’enseignement officiel français, en septembre 1922. Les atouts (nombreux) dont disposait le nouveau système scolaire joueront au détriment de l’enseignement confessionnel. Cependant, dans ces 18 années de l’entre-deux-guerres, ces écoles maintiendront une certaine présence. Cette période sera caractérisée d’autre part, par le long gouvernorat d’Auguste Bonnecarrère (janvier 1922 - décembre 1931), qui avait créé en février 1922 un conseil de notables indigènes devant être consultés sur des sujets d’ordre général. Il est à remarquer que deux des premières pasteurs protestants Robert Baeta (1883-1944) et Andreas Aku (1863-1931), constamment réélus par la population de Lomé, ont été parmi les principaux animateurs du conseil des notables de Lomé, où le pasteur Baeta surtout se signale par la vigueur de ses interventions dans la défense des intérêts de la population de Lomé, et en particulier des petites gens (Marguerat et Péleï, 1992 : 181-182).

C’est là une caractéristique de l’activité missionnaire que il faut relever à l’actif de l’Eglise évangélique : la formation assez rapide, en un demis-siècle, de suffisamment de cadres pour affronter l’indépendance à la fin de la Première Guerre et, dans la décennie suivante, tenir un rôle remarqué dans les instances de concertation de la ville de Lomé. Mais cette fin des années 1920 et, plus généralement, cette période de l’entre-deux-deux guerres est aussi l’époque où, dans la communauté catholique le Lomé, se produit un événement décisif : pour la première fois, un chrétien togolais [5] devient ministre du culte, à l’instar des missionnaires européens. Il s’agit du Père Henri Kwakumé (1892-1960), dont l’ordination, le 22 septembre 1928 se déroula avec une dense participation de la population de Lomé, chrétienne ou non (Müller, 1968 : 128). Jusqu’en 1845, trois autres ordinations auront lieu à Lomé (ou tout près, à Aného) : André Anaté (1899- ) et Georges Kpodar (1901-1944) en 1931 ; Gérard Fini (1900-1972) à Lomé, en 1934. Beaucoup plus loin de Lomé, Jean Gbikpi (1913-1994) est ordonné à Rome en décembre 1942.

Le nombre des chrétiens augmentait à Lomé, année après année (les statistiques donnent le chiffre de 600 000 en 1935, pour tout le Togo). La nécessité se fit sentir de construire de nouvelles paroisses et de nouvelles églises.

Responsables des missions catholiques depuis 1921, Mgr Jean-Marie Cessou a entamé depuis 1928 des démarches pour concrétiser le projet de création de nouvelles paroisses à Lomé ; les travaux de construction de la deuxième église catholique démarrent en août 1933 sur un terrain acheté déjà par les missionnaires allemands sur la route d’Amoutivé ; la nouvelle église sera ouverte au culte en juin 1934 et solennellement inaugurée en décembre 1934 (Müller, 1968 : 123-124).

Les événements qui rythmaient la vie des deux confessions chrétiennes faisant l’objet de reportages et d’analyses publiés dans les deux organes de presse créés par les missionnaires : Mia Holo (‘’Notre ami’’) pour les catholiques, Nutifafa na mi (‘’la Paix soit avec vous’’) pour les protestants. La vie culturelle et politique de Lomé s’est enrichie à partir de 1932 de la parution de trois journaux en langue française rédigés par des Togolais : l’Eveil du Togo, en 1932, le Cri du Togo, le Guide du Togo en 1934. ce dernier périodique abritera dans ses colonnes, en 1935 et 1936, une intéressante discussion entre évolués sur des faits de l’histoire du Togo dont l’énoncé et l’interprétation étaient sujet à controverse. Le point de départ de la polémique a été constitué par une série de six articles publiés en français dans le journal par le prêtre catholique Henri Kwakumé. Dans ces articles il livrait des ‘’Notes sur les peuples de race éwé’’, qu’il avait déjà publiées en éwé dans le périodique ‘’Mia Holo’’ en 1933 et 1934 ; dans le guide du Togo, les ‘’notes avaient fait l’objet d’une chronique régulière dans les n°5 et 17 à 22/23, d’octobre 1935 à mars-avril 1936 (Agbobly-Atayi 1980 : 338-340). Retenons de cet épisode que pasteurs et prêtres togolais, par le fait qu’ils avaient pu accomplir des études post-primaires d’une certaine durée, pouvaient exercer une influence intellectuelle et participer valablement à un débat d’idées, reflet de la vie culturelle, telle qu’elle s’exprimait dans le journaux de la capitale.

Ainsi donc, pendant cette période de l’entre-deux-guerres, la présence et l’action des missions chrétiennes continuent à s’affirmer dans l’espace urbain et social de Lomé, par leurs hommes, responsables d’Eglise, au caractère bien trempé et d’une grande clairvoyance, qu’il s’agisse d’un missionnaire catholique de grande classe comme Mgr Cessou, d’un prêtre catholique tel que Henri Kwakumé ou des pasteurs protestants Aku et Baeta, et aussi par de nombreux Togolais plus modestes, sortis des écoles primaires, de l’Ecole professionnelle Saint-Joseph ou des cours complémentaires et qui s’insèrent progressivement dans la vie de la cité, contribuant à son évolution dans les divers secteurs de son existence.

Les six années de la Seconde Guerre mondiale constituent une nouvelle parenthèse, même si, contrairement à la Première, elle n’a plus pour conséquence le départ des missionnaires. La fin de la guerre ouvrira cependant un nouveau chapitre dans l’évolution conjointe de la ville de Lomé et des missions chrétiennes.


II-LES DEBUTS DE LA PERIODE DE MATURITE (1945 -1962)

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la ville de Lomé approche de l’étape de ses 50 ans d’existence comme capitale. Les missions chrétiennes, dont la présence à Lomé a dépassé le demi-siècle, poursuivent le processus qui va confirmer ou leur conférer le statut d’Eglise, c’est-à-dire d’institutions jouissant désormais d’une certaine autonomie.

Le contexte socio-culturel et politique de la période d’une quinzaine d’années qui va retenir notre attention dans cette troisième et dernière partie se caractérise par une évolution dont l’aboutissement sera l’accession du Togo à la souveraineté internationale. Lomé, capitale politique, va, bien entendu être complètement impliquée dans toutes les péripéties de cette évolution.

Les missions, devenues Eglises à part entière, [6] d’une certaine manière, partie prenante du processus. Les communautés chrétiennes prennent de l’ampleur : entre 1945 et 1962, protestants et catholiques loméens approcheront les cent mille unités. De nouvelles églises sont édifiées ; les institutions scolaires se renforcent. De nombreuses Eglises chrétiennes participent à l’évolution politique dont Lomé est le théâtre.

Les années 1950 vont donc enregistrer le développement des communautés et la naissance de nouvelles paroisses. La deuxième paroisse protestante vraiment organisée verra la jour en 1952, sous le nom d’Amoutivé -Lom-Nava ; la troisième sera la grande paroisse du quartier de Nyékonakpoè, créée en 1954. les nouvelles paroisses catholiques de cette période seront au nombre de 4, dotées d’églises dont la construction est achevée ou largement entamée : il s’agit des paroisses Immaculée Conception, créée en mai 1954, Saint-Antoine-de-Padoue, créée en octobre 1958 ; Marie-Reine, installée dans le quartier de Bè en décembre 1960 ; enfin des Sts-Martyrs-de-l’Ouganda, érigée à Tokoin, près du CHU de Lomé, et qui utilise pour le culte la chapelle du séminaire Saint-Pierre-Claver, qui avait, lui ouvert ses portes en octobre 1957.

Les institutions scolaires, quant à elles, franchissent une étape de leur évolution avec la création de collèges d’enseignement secondaire. Les premiers élèves ont été admis en 1947 au Collège protestant, installé provisoirement dans la veille école de la rue Foch (le collège actuel, à Tokoin, a été ouvert en 1955).

L’Eglise catholique a créé en cette période deux collèges, un pour les jeunes gens, un pour les jeunes filles. La première pierre du bâtiment principal du collège Saint-Joseph a été posée en septembre 1948 (le bâtiment du collège provisoire avait été un bâtiment de la rue Foch, aujourd’hui rasé) ; le collège actuel a été inauguré en octobre 1950. L’institution Notre-Dame-des-Apôtres, destinée aux filles, sera quant à elle, inaugurée en mars 1953. Au mois de novembre de la même année, commencera la construction d’un centre culturel, le Foyer Pie-XII, qui devait abriter une bibliothèque, une salle de lecture, une salle de cinéma et plusieurs petites salles de réunion.

La vie culturelle revêt en soi une certaine importance, mais ce n’est pas le seul secteur d’activité où les Eglises sont présentes. Des personnalités issues des Eglises vont aussi, durant cette période, être présentes, un certain temps, dans la vie politique à Lomé. C’est ainsi que le fils du pasteur Andreas Aku, le Dr Martin Aku (1913-1970), sera élu premier député togolais à l’Assemblée nationale française. Le RP Aloys Riegert, alors directeur de l’enseignement catholique, sera élu en 1946, à l’Assemblée représentative du Togo, où il présidera la commission sociale, responsable de la question scolaire. Dans l’effervescence sociale de la période, les maîtres de l’enseignement libre (catholiques et protestants) formèrent un syndicat, sous la présidence de l’instituteur Albert David (décédé en 1961) et s’affilièrent à la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens).

Les églises chrétiennes sont manifestement présentes dans tous les compartiments de la vie sociale à Lomé. Ce développement et ce cheminement vers les premières étapes de la maturité vont être sanctionnées, pour ce qui est de l’Eglise catholique, par la nomination, en mars 1962, du premier archevêque togolais, en la personne de Mgr Robert Dosseh-Anyron. Alors que pour, l’Eglise évangélique la période de la mission s’était pratiquement achevée en 1922, avec l’accession aux responsabilités du pasteur Aku, suivi du pasteur Quist en 1931, puis du pasteur Baeta, pour l’Eglise catholique, l’ère de la mission ne s’était achevée qu’en 1955. Avec la nomination de Mgr Dosseh, en 1962, s’est ouverte une nouvelle période d’insertion dans la vie de Lomé, qui se déroule maintenant depuis près de quatre décennies. Elle aussi mérite étude et évaluation, et j’espère que l’occasion de les réaliser ne va pas tarder à se présenter.



 

[1] A laquelle on assimilera quelques Suisses de langue allemande.

[2] La première fut construite à l’emplacement du futur magasin ‘’Hollando’’ à l’extrémité est de la rue du Commerce.

[3] A l’emplacement de l’actuel ‘’bloc synodal’’.

[4] Ecole rasée en 1990. L’école de la rue Foch vient de perdre son étage en bois.

[5] Le RP Dogli, ordonné à Cape Coast en juillet 1922, venait de Gold Coast.

[6] Le 14 septembre 1955, le vicariat apostolique de Lomé devient archidiocèse, et Mgr Strebler (un grand bâtisseur lui aussi) son premier archevêque.

BIBLIOGRAPHIE

AGBOBLY-ATAYI B., 1980 : L’Enseignement français au Sud-Togo dans l’entre-deux- guerres : Scolarisation et perspectives socio-politique (1914-1939). Thèse de doctorat de IIIè cycle d’histoire, Paris, pp. 338-340.

DEBRUNNER H., 1965 : A church between colonial powers : A study of the church in Togo. Londres.

MARGUERAT Y. PELEI T., 1992 : Si Lomé m’était contée,Tome1. Lomé, Presses de l’UB.

MÜLLET K., : Geschichte des Katholischen Kirche in Togo, Steyler Verlagsbuchhand-lung Kaldenkirchen. Traduit de l’allemand et adapté par G. Athanasiadès, 1968 : Histoire de l’Eglise catholique au Togo. Lomé, Editions Librairie Bon Pasteur.



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